texte de Léon l'Africain concernant Larache, extrait de sa "Description de l'Afrique":
LA CITÉ D'EL AARAIX
"Larais est une cité bâtie par les anciens Africains sur les rives de la Mer Océane, à l'embouchure du Lucus, située, d'une part, sur le fleuve, et de l'autre, sur la mer.
En ces temps où Arcila et Tanger étaient aux Maures, Larache fut fort peuplée; mais après que les deux cités furent tombées au pouvoir des Chrétiens, elle demeura abandonnée, ce qui dura près de vingt ans, après lesquels un fils du roi actuel de Fez se résolut à la faire repeupler, la fortifiant très bien et la pourvoyant de soldats et de vivres, car elle est dans la crainte continuelle que les Portugais ne veuillent y entrer.
La cité a un port fort difficile pour tous ceux qui voudraient y entrer par l'embouchure du fleuve; toutefois le prince y fit construire une citadelle, dans laquelle il y a toujours un capitaine avec deux cents arbalétriers, cent arquebusiers et trois cents chevaux légers.
Aux environs de la cité, il y a force marais et prairies, où l'on prend grande quantité d'anguilles et d'oiseaux aquatiques. Et sur les bords du fleuve, l'on voit d'épais bois, où se cachent beaucoup de lions et autres bêtes féroces.
Ses habitants s'adonnent à l'ancien métier de faire du charbon, qu'ils envoient à Arcila et à Tanger; et ils travaillent tellement à ce métier, qu'il existe un proverbe parmi ceux de Mauritanie, qu'ils appliquent lorsqu'une chose en montre plus qu'elle n'en a, et ils disent: «Comme la forêt d'El Aa raix, laquelle a voile de coton et charge de charbon»; car dans les campagnes de cette cité, l'on récolte de grandes quantités de coton."
Source: Léon l'Africain. Description de l'Afrique et de las choses notables qui en elle se trouvent. Venise, 1550. Traduction et édition critique de Luciano Rubio. Tetuán, 1952. Majadahonda (Madrid): Hijos de Muley Rubio, 1999, p. 155.
Description de Larache par Léon l'Africain (Description de l'Afrique, 1550)
Léon l'Africain, géographe et voyageur andalou du XVIème siècle, offre dans sa "Description de l'Afrique" un aperçu précieux de Larache tel qu'il l'a observé vers 1550. Son récit, issu d'une observation directe et enrichi de ses lectures, dresse un portrait vivant de la ville et de ses habitants.
Une ville fortifiée en pleine mutation:
Léon l'Africain décrit Larache comme une ville ancienne, située à l'embouchure du fleuve Loukkos (Lucus). Il souligne son importance passée, alors qu'elle était prospère lorsque Asilah et Tanger étaient sous contrôle musulman. La conquête de ces villes par les Portugais a toutefois entraîné un exode de la population de Larache, qui est restée désertée pendant près de 20 ans.
Au moment de sa visite, Larache est en pleine renaissance. Un prince de la dynastie Wattasside, soucieux de protéger la ville des convoitises portugaises, l'a fait repeupler et fortifier.
Une forteresse face aux menaces:
Le texte mentionne la construction d'une citadelle gardée par une garnison importante (200 arbalétriers, 100 arquebusiers et 300 cavaliers légers), signe de la menace constante que représentent les Portugais. Léon l'Africain insiste sur la difficulté d'accès au port en raison d'une barre dangereuse, rendant la ville plus difficile à prendre.
Une économie tournée vers le charbon et la pêche:
L'activité principale des habitants de Larache est la production de charbon de bois, destiné à l'exportation vers Asilah et Tanger. Cette production est si importante que Léon l'Africain cite un proverbe local qui compare la région à "une voile de coton et une cargaison de charbon". La pêche est également une activité importante, favorisée par la présence de nombreux marais et prairies riches en anguilles et oiseaux aquatiques.
Un environnement naturel contrasté:
Léon l'Africain évoque la richesse de l'environnement naturel autour de Larache, avec ses forêts denses abritant des lions et d'autres animaux sauvages. La présence de vastes étendues de coton est également signalée, témoignant de la fertilité de la région.
Apport du récit de Léon l'Africain:
La description de Larache par Léon l'Africain offre un témoignage unique sur la ville à un moment charnière de son histoire, entre déclin et reconstruction. Son récit met en lumière:
La situation géopolitique fragile de la ville, exposée aux ambitions portugaises.
Le rôle crucial de la fortification pour la survie de Larache.
L'importance de l'économie locale, basée sur des ressources naturelles (charbon, pêche).
La richesse et la diversité de l'environnement naturel.
Limites du texte:
La description de Léon l'Africain est toutefois brève et manque de détails précis sur l'architecture et l'organisation de la ville.
En conclusion:
Le texte de Léon l'Africain constitue une source précieuse pour l'histoire de Larache au XVIème siècle. Il témoigne de la capacité de la ville à se relever après une période de déclin et à s'adapter aux nouvelles réalités géopolitiques. Son récit, à la fois descriptif et anecdotique, offre un aperçu fascinant de la vie quotidienne et des activités économiques de Larache à l'époque.
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