dimanche 12 mai 2024

Description de Larache par Luis de Mármol y Carvajal 1573

 les extraits de la Description générale de l'Afrique de Luis de Mármol y Carvajal qui mentionnent Larache:

LIVRE PREMIER: DE LA GENERALE DESCRIPTION DE L'AFRIQUE ET DE TOUTES LES PROVINCES, ROYAUMES ET SEIGNEURIES D'ICELLE, ET DE LEURS VILLES ET CHOSES MEMORABLES

CHAPITRE QUATRIEME: DE LA DESCRIPTION QUE L'AUTEUR FAIT DE LA REGION DE L'AFRIQUE, ET CIRCUIT D'ICELLE

"(...) Ensuite est Yelez [sic], Velez de la Gomera, ou pour mieux dire le Rocher qui est à la mer, Tetouan, Ceuta, Alcáçar Ceguer (par autre nom de Moû Mûda [sic]) qui sont au propre Détroit de Gibraltar, et passant vers la mer Océane Occidentale où nous avons commencé, sont les cités de Tanger, Arzila, Larache, Maamora, Salé, Rabato, Anfa, ou Anafé, et les ports de Maça falda et Abûa, qui tous tombent sur la côte du royaume de Fez."

CHAPITRE SIXIESME: DE LA PARTICULIERE DESCRIPTION DE BARBARIE, ET DES ROYAUMES, PROVINCES, ET CITES PRINCIPALES QUI Y SONT

"En le royaume de Fez il y a autres sept provinces. (...) La tierce est Azgar, et la cité principale d'icelle est Alcáçar Quibir, combien que premierement (avant que Yacub Almansur la bastist) l'estoit la cité de Larache."

CHAPITRE IX: EN QUOI SONT CONTENUS LES FLEUVES PLUS FAMEUX QUI TRAVERSENT PAR LA BARBARIE

"Lucus, est un grand fleuve qui prend sa source aux terres de la Gomera, et courant vers l'Occident traverse par les provinces d'Azgar, et du Habat, et passant auprès de la cité d'Alcáçar Quibir fait des lagunes fort grandes où se nourrit infinité de poissons, et après sortant d'icelles s'en va entrer en la mer Herculée auprès de la cité de Larache (que les Africains nomment El Arays) où la province d'Azgar confine avec celle du Habat. En l'embouchure de ce fleuve est le port de ladite cité, où abordent aucuns navires de marchands Chrétiens avec marchandises d'Europe, mais la barre est si difficile à prendre, que si le pilote n'est bien expert de l'entrée, tout navire court péril. Ptolémée nomme ce fleuve Lisso, et met l'embouchure d'icelui en degrés six, et minutes vingt, de longitude; et degrés trente-cinq, et minutes quinze, de latitude."

LIVRE QUATRIEME: DE LA DESCRIPTION DE L'AFRIQUE, EN LEQUEL SONT CONSIDEREES LES PROVINCES, CITES, ET VILLES DU ROYAUME DE FEZ, ET LES VILLAGES DES MONTAGNES, AVEC AULCUNS SUCCES DE GUERRES, ET CHOSES DIGNES DE MEMOIRE

CHAPITRE XL: QUI TRAICTE DE LARACHE, CITE DE LA PROVINCE D'AZGAR AU ROYAUME DE FEZ

"La cité de Larache, que les Africains appellent Elarayz de Beni Aroz, est une cité antique, bâtie par les naturels de la terre, sur la côte de la mer Océane Herculée, où le fleuve Lucus (ou Lisso) entre en ladite mer. Laquelle est environnée d'un côté par la mer, et de l'autre par le fleuve. Avant que les Chrétiens gagnassent la cité d'Arcila, Larache estoit fort peuplée, mais après elle fut délaissée par ses habitants par crainte, et fut plus de vingt ans déserte, jusques à ce que Muley Nacer, oncle d'Hamet Oataci, dernier roi de Fez, de la lignée des Merinis Oatacis, la fortifia, et peupla, et y tint sa frontière contre les Chrétiens de Tanger, et d'Arcila, non sans peu de crainte qu'ils ne la lui prissent chaque jour, et par ainsi la tenait pourvue d'artillerie, et munitions, et vivres. La barre de ce fleuve a dangereuse entrée pour les navires, et joignant icelle est un château que ledit Muley Nacer fit édifier. La cité est toute entourée de murailles, et aux environs d'icelle sont beaucoup de prairies, et grandes lagunes où se nourrissent infinies anguilles, et oiseaux d'eau, et sur le bord du fleuve sont d'épais bois et bocages, où il y a beaucoup de lions, et autres bêtes féroces. Les habitants de Larache sont pour la plupart charbonniers, et leur principal trafic estoit d'aller vendre du charbon aux cités de Tanger, et d'Arcila, au temps qu'elles estoient aux Maures, et depuis en temps de paix ils l'ont porté en des barques à vendre aux Chrétiens. En tous les champs d'alentour on recueille beaucoup de coton, et dans le fleuve meurent beaucoup de saumons. Dedans une barre est un port médiocre pour vaisseaux petits, où ont accoutumé d'aborder les marchands Chrétiens d'Europe avec leurs marchandises, lesquelles ils portent de là à Fez, et en autres parties. Les habitants de Larache ne vivent maintenant avec tant de crainte qu'ils souloyent, après que le roi de Portugal eut quitté la cité d'Arzila. Le Xerif Abdallah y a mis un alcade qui gouverne les trois cités d'Arzila, Alcáçar el Quibir, et Larache, lequel a cinq cens hommes de cheval, et plus de mille harquebusiers de pied, avec lesquels il va d'ordinaire courir à Tanger, et il réside le plus souvent à Alcáçar, et visite la frontière d'un bout à l'autre."

Source: Luis de Mármol y Carvajal. Primera parte de la descripción general de Affrica. Granada: Imprenta de Rene Rabut, 1573, folios 4, 5, 9, 10 et 109


Description de Larache par Luis de Mármol y Carvajal (Description générale de l'Afrique, 1573)

Luis de Mármol y Carvajal, militaire et écrivain espagnol du XVIème siècle, consacre plusieurs passages de sa monumentale "Description générale de l'Afrique" (1573) à la ville de Larache. Fort de ses nombreuses années de service en Afrique du Nord, il livre un tableau précis et détaillé de la ville, de son histoire, de ses fortifications et de son environnement.

Larache, ancienne capitale déchue :

Mármol y Carvajal décrit Larache comme une "cité antique", fondée par les populations locales sur la côte atlantique à l'embouchure du fleuve Loukkos (Lucus). Il souligne son importance passée, rappelant qu'elle était la principale ville de la province d'Azgar avant la construction d'Alcazarquivir par le sultan almohade Ya'qub al-Mansur. Cette mention met en lumière le déclin de Larache au profit de sa voisine, devenue centre politique et économique de la région.

L'héritage portugais et le renouveau de la ville :

Le récit de Mármol y Carvajal témoigne des bouleversements qu'a connus Larache au XVème siècle. Après la prise d'Asilah par les Portugais en 1471, la population de Larache, prise de panique, abandonne la ville qui reste déserte pendant plus de 20 ans. C'est Muley Nacer, oncle du dernier sultan mérinide, qui entreprend de la fortifier et de la repeupler, en faisant une place forte face aux Chrétiens de Tanger et d'Asilah.

Des fortifications imposantes :

Mármol y Carvajal décrit avec précision les fortifications de Larache : une enceinte de murs, un château construit par Muley Nacer à l'embouchure du fleuve et une barre rendant l'accès au port difficile. Il mentionne également la présence de "grands prés et lagunes" où foisonnent anguilles et oiseaux aquatiques, ainsi que d'épaisses forêts abritant des lions et d'autres animaux sauvages sur les rives du fleuve.

Une économie basée sur le commerce du charbon :

L'auteur souligne l'activité principale des habitants de Larache : la production de charbon de bois, vendu à Tanger et Asilah avant la conquête portugaise, puis aux Chrétiens en temps de paix. Cette activité commerciale, complétée par la pêche d'aloses dans le fleuve et la culture du coton dans les champs environnants, témoigne du dynamisme économique de la ville malgré sa situation géopolitique instable.

L'importance stratégique de Larache :

Mármol y Carvajal insiste sur la position stratégique de Larache, "presque au point de confluence de l'Atlantique et de la Méditerranée", et sur son rôle de port d'entrée pour les marchandises européennes destinées à Fès. Il décrit un port intérieur accessible aux petits navires marchands, lieu d'échanges entre l'Europe et l'intérieur du Maroc.

Apport du récit de Mármol y Carvajal :

La description de Larache par Mármol y Carvajal offre un panorama complet de la ville au XVIème siècle. Son récit, à la fois historique et géographique, permet de :

Comprendre l'évolution de Larache et son passage d'ancienne capitale à place forte face aux Portugais.

Appréhender l'importance de la fortification pour la défense de la ville.

Identifier les activités économiques principales et les ressources naturelles de la région.

Saisir la situation stratégique de Larache comme port d'échanges avec l'Europe et l'intérieur du Maroc.

En conclusion :

Le témoignage de Mármol y Carvajal constitue une source essentielle pour la connaissance de Larache à l'époque moderne. Son récit, précis et détaillé, met en lumière la complexité de la ville, tiraillée entre son passé glorieux, les menaces extérieures et son dynamisme économique. Il offre une vision fascinante de Larache, lieu de rencontre entre cultures et carrefour commercial au cœur d'une région stratégique.

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